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LES FÉDÉRÉS


empêcher l’insurrection, conserver non seulement la forme monarchique mais la couronne de Louis XVI.

Si on en croit un récit du neveu de Guadet, celui-ci se serait rendu au château un soir à la demande du roi. La reine, prenant elle-même un bougeoir, l’aurait conduit dans la chambre où le dauphin dormait. Guadet aurait embrassé l’enfant. Mais ce récit n’a pour garant que la femme du député qui désira sans doute après la Révolution faire montre de sentiments royalistes. Il me paraît difficile d’admettre que le roi, qui faisait à Vergniaud et à Gensonné des réponses sèches et dérisoires, ait tenu à l’égard de Guadet une attitude toute différente, à moins de supposer que Guadet avait donné des gages particuliers à la Cour. Il n’est que juste aussi de noter que Brissot n’approuva pas l’idée de Vergniaud de faire entrer des Constituants dans le Conseil du roi. Il y vit un piège : « Par là, dit-il, le roi couvrirait ses ministres du manteau de la popularité des Constituants populaires, par là il dépopulariserait ces derniers et amuserait la nation et gagnerait le moment de la Contre-Révolution. »

Pendant que les politiciens, constitutionnels ou girondins, intriguaient dans l’ombre, les Fédérés agissaient en pleine lumière. Dès leur arrivée à Paris ils se rendaient aux Jacobins comme au quartier général de la Révolution. Les Jacobins leur donnèrent un local, les logèrent chez eux, organisèrent des collectes en leur faveur, leur offrirent des repas.

Très habilement, les Fédérés évitaient de s’isoler de la population parisienne. Ils décidaient, le 15 juillet, qu’ils ne formeraient qu’une seule armée, qu’un seul corps avec la garde nationale et qu’ils communiqueraient aux