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LE DIX AOÛT

voir que du peuple français et non de l’ennemi. Il ferait bien d’essayer d’obtenir un armistice et, en tout cas, de ne rien négliger pour écarter le soupçon qu’il favorisait l’ennemi. Le seul moyen efficace était de choisir ses ministres parmi « les hommes les plus prononcés pour la Révolution ». Il ferait bien d’offrir à l’armée les fusils et les chevaux de sa garde, de publier les comptes de sa liste civile, de choisir pour le prince royal un gouverneur populaire, de retirer à Lafayette son commandement. Le roi fit répondre : « 1o Qu’il n’avait garde de négliger le choix des ministres ; 2o qu’on ne devait la déclaration de guerre qu’à des ministres soi-disant patriotes ; 3o qu’il avait mis tout en œuvre dans le temps pour empêcher la coalition des puissances et qu’aujourd’hui, pour éloigner les armées de nos frontières, il n’y avait que les moyens généraux. » Malgré cette réponse tant soit peu ironique et illusoire, les Girondins s’obstinérent. Leurs journaux firent courir le bruit du futur rappel des ministres patriotes. Gorsas se défendit d’être républicain : « On peut mépriser, haïr un roi parjure et ne point haïr la royauté. » La Sentinelle de Louvet mit en garde contre les agitateurs et essaya jusqu’au 10 août d’empêcher l’insurrection.

Dans l’Assemblée les chefs girondins freinaient maintenant le mouvement. Si Vergniaud obtenait, le 21 juillet, un décret pour inviter le roi à recomposer le ministère, il conseillait, trois jours plus tard, de ne rien précipiter. Il trouvait qu’on parlait trop de la déchéance. Il craignait la guerre civile. Son langage parut si nouveau qu’il recueillit les applaudissements du centre et de la droite, pendant que la gauche murmurait. Brissot évoluait comme Vergniaud et menaçait, le 25 juillet, la faction des régicides :