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LES FÉDÉRÉS

lieu à de vifs incidents dans l’Assemblée. Luckner démentit les propos que les députés disaient avoir entendus de ses lèvres, mais son démenti ne parut pas convaincant et il devint suspect à beaucoup de patriotes qui jusque-là l’avaient porté aux nues. Quant à Lafayette, il s’efforça de nouveau de négocier un armistice avec l’Autriche par l’intermédiaire de Mercy-Argenteau, auquel il adressa un agent secret, Masson de Saint-Amand, sans plus de succès d’ailleurs qu’à sa première tentative. L’Autriche ne voulait traiter qu’avec Louis XVI.

Cependant Marie-Antoinette, qui avait repoussé l’offre de Lafayette, était loin d’être rassurée. Le 24 juillet, elle écrivit à Fersen une lettre affolée : « Dites donc à M. de Mercy que les jours du roi et de la reine sont dans le plus grand danger, qu’un délai d’un jour peut produire des malheurs incalculables, qu’il faut arranger le manifeste sur-le-champ, qu’on l’attend avec une extrême impatience, que nécessairement il ralliera beaucoup de monde autour du roi et le mettra en sûreté, qu’autrement personne ne peut en répondre pendant vingt-quatre heures. La troupe des assassins grossit sans cesse. » Ce manifeste sauveur, dont la reine pressait l’envoi dans son aveuglement, était le fameux manifeste signé du duc de Brunswick qui menaçait de passer par les armes les Français qui se défendraient et de démolir et d’anéantir Paris si le roi et sa famille n’étaient pas remis en liberté sur-le-champ. Ce manifeste absurde, qui devait centupler la volonté des Français de résister, fut connu à Paris le 28 juillet. Alors que les journaux aristocrates se réjouissaient, que le Journal de la Cour et de la Ville prédisait la fin prochaine de la Constitution « sous le fer allemand », la plupart des journaux