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LE DIX AOÛT

se bornaient à des solutions mitoyennes qui conservaient la royauté tout au moins en principe.

Un publiciste assez suspect, Carra, rédacteur d’un journal très lu, les Annales patriotiques, conseillait depuis Varennes de changer la dynastie et de prendre le nouveau roi dans la maison d’Angleterre. Le duc d’York, second fils de George III, lui semblait un excellent candidat, car il était le gendre de Frédéric-Guillaume de Prusse et le neveu de la princesse d’Orange. La France deviendrait ainsi l’alliée de l’Angleterre, de la Prusse et de la Hollande. Elle démembrerait avec ses alliés l’immense empire espagnol. Carra exposa son plan aux Jacobins, le 4 janvier 1792, mais fut mal accueilli.

Îl est vraisemblable que Carra n’était pas seul à songer à un prince étranger pour remplacer Louis XVI. L’abbé Danjou, très mêlé au mouvement des sociétés fraternelles, proposa aux Jacobins, le 3 mai 1792, après les premiers revers, d’appeler au trône un prince anglais. C’est ce qu’il appela « recourir à un émétique ». Sa motion heurta le patriotisme du club et, deux jours plus tard, Robespierre cloua au pilon le malheureux abbé, qu’il représenta comme un intrigant qui cherchait, par sa motion insidieuse, à discréditer les Amis de la Constitution. Danjou fut censuré, Il appartenait comme Carra au parti grondin et le bruit courut qu’ils n’avaient fait tous les deux qu’exposer tout haut la pensée secrète de leur parti. Des lignes équivoques de Condorcet, des propos imprudents de Brissot donnaient de la vraisemblance à ce bruit, et on sait que Robespierre dénoncera Brissot à la Commune révolutionnaire du 10 août comme un des chefs du complot anglo-prussien.

Le duc d’Orléans, qui avait donné tant de gages à la