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LA PATRIE EN DANGER

roi et de convoquer une Convention pour réformer la Constitution devenue caduque. Dans sa brûlante adresse aux Fédérés, il leur disait de refuser de prêter serment au roi dans la cérémonie de la Fédération toute proche : « De méprisables idoles viendront-elles encore se placer entre vous et la liberté pour usurper le culte qui lui est dü… Ne prêtons serment qu’à la Patrie et à nous-mêmes entre les mains du roi immortel de la Nature qui nous fit pour la liberté et qui punit les oppresseurs. » La provocation était si flagrante que le ministre de la Justice commença immédiatement des poursuites contre Robespierre. Il avait franchi le Rubicon, sans doute parce qu’il voulait couper court aux négociations secrètes alors entamées in extremis entre les Girondins et la Cour, mais aussi parce que la proclamation du danger de la Patrie lui parut ouvrir la crise décisive qu’il se réservait d’exploiter à fond. Peut-être n’est-il pas interdit de supposer qu’il fut entraîné à aller de l’avant par deux célèbres adresses que Marseille, dont il était le mandataire à Paris depuis la Constituante, fit parvenir coup sur coup à l’Assemblée. La première, lue à la séance du 19 juin, commençait par une phrase qui fut fort applaudie à gauche : « Le jour de la colère du peuple est arrivé… » La seconde, lue à la séance du 12 juillet, abordait franchement le problème de la royauté elle-même. Elle montrait que la royauté héréditaire était violemment contraire à la Déclaration des Droits de l’homme et que par conséquent elle devait être abolie pour faire place à la République. Mais cette adresse, qui provoqua un vif tumulte, était à cette date presque unique en son genre. La plupart des Français n’osaient regarder le problème en face, et beaucoup qui se jugeaient hardis