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LA PATRIE EN DANGER

prétexte que les Belges ne s’empressaient pas de se soulever à la vue des trois couleurs, il avait battu en retraite sur Lille pendant que son lieutenant Jarry livrait aux flammes les faubourgs de Courtrai. La retraite inexplicable du reitre allemand parut aux Jacobins le résultat d’une entente avec Lafayette et d’un ordre secret du roi qui continuait ses trahisons. Ils réclamèrent une enquête et la punition du général Jarry.

Le cercle de l’invasion se resserrait. Le 29 juin, le nouveau ministre des Affaires étrangères Scipion Chambonas annonçait que le comte de Goltz, ministre du roi de Prusse à Paris, était parti sans prendre congé. Louis XVI attendit encore une semaine avant d’annoncer officiellement à l’Assemblée la prochaine entrée en campagne de l’armée prussienne. Des rires insultants et amers sur les bancs de la gauche accueillirent la lettre royale si tardive. Le roi de Prusse accompagné de 50  000 hommes venait d’arriver à Coblentz.

Il était plus que temps de parer au danger imminent. Puisque, d’un accord presque universel, le danger provenait essentiellement de Louis XVI, on aurait pu s’attendre que le remède fût cherché dans la réforme du pouvoir exécutif. Mais, si grande encore était dans le peuple tout entier la superstition monarchique que bien peu de Français songèrent franchement et ouvertement à la solution républicaine qui effrayait. Il semble qu’on était devenu prudent depuis le massacre du Champ de Mars. L’idée républicaine était née simultanément au club fayettiste de 1789 d’une part et au club démocratique des Cordeliers d’autre part. Des « 89 », comme le duc du Châtelet, le marquis de Condorcet, l’économiste Dupont de Nemours, le jour-