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LA PATRIE EN DANGER

recouvrer les impôts. Dans le Morbihan, l’administration départementale était si alarmée par la fermentation qu’elle sentait couver, qu’elle interdit la circulation de 13 journaux aristocrates parmi lesquels L’Indicateur d’Adrien Duport. Les Jacobins s’attendaient à un soulèvement général dès que les rois ennemis remporteraient des avantages sur les frontières.

Plus le péril pressait, plus le parti intermédiaire, le parti feuillant, s’effaçait. Capituler ou se défendre, il n’y avait pas de milieu. Barnave, qui était retourné dans son Dauphiné depuis plusieurs mois, voyait les choses d’un tout autre œil que ses anciens amis, les Lameth et Adrien Duport, restés à Paris. Il regrettait la chute du ministère girondin qui seul eût été capable, à son sens, d’éviter les solutions extrêmes. Il souhaitait la sanction du décret sur les prêtres qui tenait à la tranquillité publique et la sanction du décret sur la suppression des droits casuels afin de calmer les paysans. Il répétait qu’une fois retournés dans l’opposition, les Jacobins seraient invincibles, car ils avaient avec eux les patriotes sincères, il blâmait « l’esprit de vertige qui semblait diriger la plupart de ceux qui voulaient la Constitution ».

Au vrai, le parti constitutionnel n’avait aucun programme d’action. Devant le danger il se croisait les bras en répétant : la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution, formule menteuse dans la bouche de beaucoup de ses chefs qui ne pensaient, comme Adrien Duport et Lafayette, qu’a déchirer cette Constitution, objet de leur soi-disant idolâtrie. Un programme purement négatif dans un moment de danger extrême ne pouvait pleinement satisfaire personne. Les