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LE DIX AOÛT

son parti dénoncent les Jacobins comme des ennemis publics en même temps qu’ils multiplient les avances au roi et l’encouragent à la résistance. Adrien Duport vient justement de fonder, le 20 mai, un journal de combat, L’Indicateur, pour sonner le ralliement de tous les propriétaires contre « les anarchistes ». Il leur promettait une paix prompte par la médiation du roi, dont il fallait fortifier les pouvoirs. Le vote du décret du 14 juin qui supprimait sans indemnité une partie des droits féodaux dits casuels (lods et ventes) lui était bientôt une occasion de crier à la violation des propriétés et de réclamer l’institution d’une seconde chambre qui serait une « chambre de propriétaires ». Ce constitutionnel en prenait à son aise avec la Constitution. Il ne manquait pas enfin d’avertir le roi que le camp des 20 000 fédérés serait un moyen aux mains des Jacobins pour s’emparer de sa personne et, en cas de revers, pour l’emmener comme otage dans Le Midi de la France. L’état-major fayettiste de la garde natio- nale parisienne faisait signer une pétition — la pétition des 8 000 — contre le camp des fédérés.

Le roi venait d’apprendre par le comte de Lally-Tollendal, grand ami de Lafayette, les projets de celui-ci. Il ne pouvait ignorer que tout le parti feuillant avait combattu les trois décrets sur les prêtres, sur le licenciement de sa garde et sur le camp. Les divisions des Jacobins et de ses ministres eux-mêmes triomphèrent de ses dernières hésitations. Robespierre critiqua dans son journal le rassemblement du camp qu’il considérait comme une obscure manœuvre brissotine. Au Conseil, Dumouriez se prenait de querelle avec Servan auquel il reprochait d’avoir pris l’initiative du décret sur le camp sans l’avoir consulté.