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LE DIX AOÛT

rité royale dans toute son étendue constitutionnelle ; dès lors les hostilités cesseraient entre nous et feraient place au retour de la bonne harmonie qui a subsisté ci-devant entre les deux Cours. » Lambinet ajouta encore qu’après la signature de l’armistice qu’il sollicitait, Lafayette marcherait sur Paris avec son armée, fermerait les Jacobins, rappellerait les princes et les émigrés, leur rendrait leurs biens et formerait une seconde chambre où ils seraient admis. Mercy-Argenteau éconduisit l’homme de Lafayette sous prétexte qu’il avait besoin d’en référer à Vienne. Kaunitz lui recommanda de trainer les choses en longueur afin de donner aux armées autrichiennes le temps d’achever leur mobilisation.

Brissot fut presque aussitôt tenu au courant d’une partie de la criminelle intrigue de Lafayette par une lettre du Jacobin Chépy, en date du 17 mai. Mais ni lui, ni son parti n’osèrent regarder la réalité en face. Ils louvoyèrent. Au lieu d’avertir la France en frappant le général factieux, ils se bornèrent à de simples mesures générales de précaution et de défense.

Par trois décrets successifs, dont le second fut voté au cours d’une séance permanente qui dura quatre jours, du 28 au 31 mai, ils s’efforcèrent de frapper de terreur les prêtres réfractaires, de retirer au roi les troupes qui le protégeaient et enfin de mettre Paris à l’abri d’un coup de main des généraux ou d’une tentative de l’ennemi.

Les prêtres réfractaires étaient regardés par les révolutionnaires comme leurs pires ennemis. Ils les accusaient d’entraver le paiement des impôts, d’user de leur influence pour détourner les conscrits de l’armée, de semer la division dans les paroisses et dans les familles, d’être les meilleurs agents des émigrés et de souhaiter hautement la