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LE DIX AOÛT

ment hostile à tout retour aux réglementations de l’ancien régime, s’il professait sincèrement le dogme de la liberté économique, son parti n’en était pas moins suspect à la riche bourgeoisie qui possédait encore tant de biens seigneuriaux et qui voyait ses redevances menacées ou supprimées par les troubles paysans. Le député Couthon, qui avait déposé, le 29 février 1792, un projet de loi pour supprimer sans indemnité tous les droits féodaux dont les titres primitifs ne pourraient être présentés, n’avait pas été désavoué par le ministère. Les Girondins flattaient le peuple. Le maire de Paris Petion réprimait mollement les émeutes populaires, même quand elles menaçaient les magasins des épiciers, comme en février 1792. Il ne faisait aucun usage de la loi martiale. Il exposait longuement à cet égard les Règles générales de sa conduite. Il était déplorable, disait-il, que les vieux préjugés sur la hiérarchie des classes n’aient pas encore été détruits, qu’on méprise toujours la multitude, qu’on croie qu’on ne peut l’administrer qu’en lui faisant peur. « On trouve trop long de raisonner avec ce qu’on appelle la canaille, avec des hommes qu’au fond de l’âme on méprise parce qu’ils sont mal vêtus. Il est bien plus court d’emprisonner, de frapper… » Le jour de la fête des Suisses de Châteauvieux, il avait supprimé tout service d’ordre, car « il est temps de montrer au peuple qu’on l’estime, qu’on croit à sa raison et à sa vertu et qu’on croit qu’il n’a pas de meilleur gardien que lui-même ».

Ces déclarations parurent intempestives à la grosse bourgeoisie des citoyens actifs qui craignait déjà pour ses biens menacés par les émeutes paysannes et ouvrières. Elle se détourna de la Gironde qui favorisait Les Enragés, comme elle disait, et soupira du côté de Lafayette qui