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LE VETO

conseil des Lameth qui l’invitaient à protéger Delessart, à dissoudre l’Assemblée et à se saisir de la dictature. Il se soumit. Il appela aux affaires le ministère Clavière-Roland-Dumouriez qui déclara la guerre et promit de la pousser avec activité.

Mais le ministère girondin se heurta à des résistances qu’il n’avait pas prévues et qui rendirent au roi l’espérance et les moyens de reprendre sa liberté.

La déclaration de guerre, les premières levées d’hommes, les craintes du retour des émigrés, les menées des prêtres réfractaires, la baisse de l’assignat qui commençait avaient causé dans les campagnes une agitation générale et violente. Les paysans refusaient de payer les redevances seigneuriales encore existantes. Ils s’attroupaient dans l’Ardèche, le Gard, le Cantal, le Lot, etc., pour démolir les châteaux et les piller. Ils se soulevaient en masse dans plusieurs régions pour arrêter la hausse des prix en réclamant le retour aux taxations anciennes. Les grains ne circulaient plus que difficilement. Le maire d’Étampes Simoneau était tué dans une émeute au marché. Des prêtres démocrates, comme le curé Petitjean dans le Berri, conseillaient de mettre en commun les subsistances. Il n’en fallait pas plus pour répandre le bruit sourd d’une prochaine loi agraire. Dans les villes, les manufactures étaient en pleine activité, stimulées par les commandes de guerre et par la prime du change. Mais les ouvriers, payés en assignats, luttaient pour l’augmentation des salaires ou pour leur paiement en espèces. Ils se plaignaient amèrement de la cherté de la vie, et leurs patrons essayaient de dériver leur mécontentement contre les paysans.

Si le ministre de l’Intérieur Roland était foncière-