Page:Albert Mathiez - Le dix août - Hachette 1934.pdf/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE DIX AOÛT

gration de Louis XVI après Varennes et qui avait réclamé, à cette occasion, la convocation des assemblées primaires pour élire une Convention, c’est-à-dire une assemblée de revision de la Constitution, ne dit mot. Il fit porter tout son effort pendant les semaines qui suivirent contre la politique de guerre de Brissot qui lui parut préparer la ruine de la liberté par l’augmentation fatale des pouvoirs généraux et du roi.

Brissot, qui n’avait pas hésité, dans la crise de Varennes, à proposer la République, d’accord avec des amis de Lafayette qu’il avait connus au club de 1789, avait présenté sa politique de guerre comme le moyen infaillible de forcer Louis XVI à marcher avec la Révolution ou à se démasquer. Il ne pouvait se désintéresser de la question du veto. Il crut la résoudre d’une façon élégante en obligeant le roi à prendre ses ministres parmi les Jacobins. Louis XVI ne pourrait plus user du veto qu’en renvoyant ses ministres qui lui refuseraient le contreseing. Mais le renvoi des ministres serait un acte tellement grave qu’il hésiterait toujours à en prendre la responsabilité. Du moins Brissot le pensait.

Sa manœuvre donna d’abord des résultats. D’accord avec Lafayette et son groupe, les Brissotins dirigèrent une violente offensive contre le ministère feuillant ou plutôt laméthiste, coupable à leurs yeux de ne pas seconder leur politique de guerre. Pour décider Louis XVI ils recoururent à l’intimidation. En même temps qu’ils mettaient en accusation devant la Haute Cour d’Orléans, le 10 mars 1792, le ministre des Affaires étrangères Delessart, leur presse se livrait à de violentes attaques contre Marie-Antoinette qui fut menacée du même sort. Louis XVI, alarmé dans ses affections, n’osa suivre le