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LE DIX AOÛT

révolutionnaires, irrités et impuissants, s’écrièrent que le monarque qui proposait de faire la guerre aux princes allemands n’était pas sincère puisqu’il protégeait à l’intérieur les ennemis de la Révolution. Le veto suspensif ainsi opposé à des lois urgentes, à des lois de défense nationale, devenait en fait, dirent-ils, un veto absolu. Le roi appliquait la Constitution contre son esprit. Il se servait de la Constitution pour tuer la Constitution.

Tout le problème jusqu’au 10 août allait rouler autour de la question constitutionnelle ainsi posée dès le premier jour. Louis XVI s’imagina qu’il était devenu l’arbitre des partis quand il vit leurs chefs s’efforcer à l’envi, par les moyens les plus divers, d’amener à leurs principes opposés l’heureux possesseur du veto qui nommait et révoquait les ministres, responsables devant lui seul.

Les Feuillants ou royalistes constitutionnels voulaient terminer la Révolution de peur d’être dévorés par elle. Ils étaient devenus les conseillers attitrés de la Cour qui subventionnait leurs publications. Leurs hommes étaient au ministère. Le veto leur parut un moyen d’imposer leur politique à l’Assemblée nouvelle qui regimbait à leurs directions. Ils s’imaginèrent naïvement qu’en paralysant le décret contre les émigrés, ceux-ci leur en seraient reconnaissants et rentreraient en France. Les émigrés notèrent la reculade et n’en promirent que plus fort de pendre les Feuillants quand ils reviendraient à la tête des armées étrangères. Les nécessités de leur lutte contre les Jacobins, l’obligation où ils étaient de garder la faveur royale entraînèrent les Feuillants toujours plus loin dans le reniement de leurs anciens principes. Mais Marie-Antoinette qui, elle, n’avait rien oublié, méprisait les rebelles repentis et, n’expliquant leur conversion que