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LE VETO

faiblesse, de tous leurs malheurs, à lui reprocher de les avoir perdus en changeant la composition traditionnelle des États généraux, en capitulant au 14 juillet, aux 5 et 6 octobre, en sanctionnant la suppression des droits seigneuriaux, en acceptant la Constitution, ils organisaient encore, sous le nom d’Union des provinces, une sorte de ligue nobiliaire et parlementaire qui se proposait de gouverner la France après la Restauration, en imposant sa volonté au roi-soliveau qu’ils traitaient avec un mépris ostensible.

Louis XVI, qui avait la fierté de son sacerdoce, sentait la menace. S’il dissimulait pour s’affranchir de l’esclavage des Jacobins, ce n’était pas pour retomber sous l’esclavage des émigrés. Il avait mis tout son espoir dans une intervention armée des rois en sa faveur. Il n’épargna rien pour la provoquer et ce fut avec une joie secrète qu’il lança son ultimatum à l’électeur de Trèves et qu’il déclara ensuite la guerre à son beau-frère Le roi de Hongrie. Il attendait avec impatience l’arrivée des troupes étrangères qui le délivreraient et, pour faciliter leur besogne, il entretenait de son mieux l’anarchie à l’intérieur et ralentissait les fabrications de guerre qu’il aurait fallu intensifier, mais il commit la faute de laisser voir son jeu en faisant de son veto un usage maladroit.

Encouragé par un manifeste du Directoire feuillant du Département de Paris, qui, au nom de la liberté des cultes, protégeait les prêtres réfractaires, Louis XVI mit son veto au décret du 29 novembre 1791 qui avait ordonné l’internement au chef-lieu des prêtres perturbateurs. Il avait déjà refusé sa sanction au décret du 21 octobre qui menaçait les émigrés du séquestre de leurs biens s’ils ne rentraient pas en France avant le 1er janvier. Aussitôt les