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L’INSURRECTION

bien contre la Gironde peureuse et calculatrice que contre la royauté traîtresse. La République, qui s’annonce, sera donc une république populaire puisqu’elle a dû s’établir contre la portion la plus riche et la plus influente de la bourgeoisie. Mais la Gironde ne lâchera pas prise sans retour offensif. L’ère des déchirements n’est pas close !

Les esprits qui réfléchissent se demandent ce que serait devenue la France si l’insurrection n’avait pas triomphé. Brunswick, réalisant les menaces de son manifeste, serait entré à Paris. Il aurait rétabli les choses comme avant 1789, les ordres, les privilèges, les Parlements, les intendants, etc. « La soldatesque effrénée et sans humanité, dit Chaumette, aurait remplacé le régime fraternel des gardes nationales. Les longues robes des suppôts de la chicane auraient remplacé les écharpes tricolores. Les gibets auraient été plantés à la place de ces arbres de la Liberté autour desquels auraient dansé les assassins de la Cour criant Vive le Roi ! »

C’était toute l’œuvre de la Révolution que l’insurrection avait sauvée non seulement contre le Roi, mais contre les Constitutionnels qui reniaient leur passé. « Le peuple français a vaincu dans Paris l’Autriche et la Prusse », écrivait à son mari la femme du futur conventionnel Julien de la Drôme, le jour même du 10 août. Ce n’était pas assez dire. Le principal vaincu avec le roi était Lafayette et toute la classe qu’il représentait.