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LE DIX AOÛT

Châtillon était aussi promptement réprimée que l’avait été celle de Charrier en Lozère avant l’insurrection. Lafayette, qui était, avec le roi, le principal vaincu de la journée, essaya en vain d’entraîner son armée sur Panis. Il put gagner un moment la municipalité de Sedan et le département des Ardennes, faire emprisonner les commissaires de l’Assemblée, mais les volontaires l’abandonnèrent et il dut s’enfuir dans les Pays-Bas avec son état-major. Les Impériaux l’enfermèrent au château d’Olmutz. Les quelques départements, comme le Haut et le Bas-Rhin, l’Aisne, l’Indre, la Somme, qui firent d’abord des difficultés pour enregistrer la loi qui suspendait le roi, se soumirent presque aussitôt. L’Indre, dans une proclamation, invoqua le danger de la Patrie pour excuser sa soumission.

Le danger de la Patrie, qui avait provoqué l’insurrection, la fit accepter. Aucune autre journée ne sera plus nationale. La Nation, qui n’était jusque-là que le pays légal, s’étendit à la totalité du peuple. Paysans et ouvriers eurent leur part de la victoire. Tous les droits féodaux non justifiés par le titre primitif furent supprimés sans indemnité, le partage des biens communaux autorisé, la mise en vente des biens d’émigrés par petits lots ordonnée, Pour occuper les chômeurs, Paris fit creuser vers Saint-Denis de longues tranchées qui seraient le suprême obstacle contre l’ennemi. De nombreux ateliers de charité furent ouverts dans les autres villes. Pour briser l’égoïsme des possédants, on se mit à user du droit de réquisition. Les Sans-Culottes, qui avaient été à la peine, seront bientôt à l’honneur et au profit. Ils se serrent pour l’instant derrière la commune révolutionnaire qui, par son audace, a vaincu. Elle incarne la défense nationale aussi