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L’INSURRECTION

siècles, la royauté apparaissait aux Français comme une Providence. Le roi, c’était l’État, c’était la patrie, c’était la justice, le ciment de la nation. Une telle yénération mystique entourait ce symbole qu’y porter atteinte paraissait sacrilège. Il avait fallu les parjures répétés de Louis XVI, sa complicité manifeste avec l’ennemi, l’invasion toute proche, les menaces de Brunswick, pour faire évanouir le fantôme séculaire et dresser la France patriote contre le roi de Coblentz.

Dans le secrétaire de Laporte, intendant de Ia liste civile, les vainqueurs avaient trouvé des pièces probantes qui justifaient leurs soupçons, une longue correspondance de Cazotte avec Laporte remplie de la joie des échecs de nos armées, des lettres d’émigrés adressées au duc de Brissac, le chef de l’ancienne garde constitutionnelle, des ordres du roi pour faire payer les appointements de sa garde supprimée et les traitements de ses anciens gardes de corps passés à Coblentz, etc. Ces papiers, aussitôt publiés et affichés, apprirent aux Français des plus lointains villages que le roi parjure était bel et bien l’allié des envahisseurs. Le sentiment monarchique en reçut un coup irrémédiable.

Par voie de conséquence, tous ceux qui, la veille, défendaient le roi devinrent des ennemis publics. Les décrets frappés du veto furent exécutoires. Les prêtres réfractaires, qui refusèrent de jurer le nouveau serment qu’on leur imposa (le serment de défendre la liberté et l’égalité), furent aussitôt déportables et bientôt déportés en bloc par un nouveau décret (celui du 26 août). Les royalistes constitutionnels émigrèrent en grand nombre.

Le pays, dans sa majorité, approuva ou se soumit. La prise d’armes des Vendéens à Bressuire et à