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LE DIX AOÛT

indirect, par des collèges électoraux. Les trois ministres girondins, Roland, Clavière et Servan, furent rappelés. On leur adjoignit Monge, Lebrun et Danton, celui-ci proposé par Brissot et Condorcet, qui comptaient l’employer à contenir et à refouler le mouvement démocratique qu’il paraissait servir. Le roi et sa famille, en attendant la réunion de la Convention, seraient gardés en otages, au Luxembourg, avait dit l’Assemblée, dans la Tour du Temple, trancha la Commune révolutionnaire.

La royauté subsistait en théorie. Le jour même du 10 août, Vergniaud avait fait décréter la nomination d’un gouverneur « au prince royal ». Il pouvait sembler que la situation était la même qu’après Varennes. Apparence trompeuse. Après Varennes, le mouvement démocratique avait été noyé dans le sang du Champ de Mars. Il est maintenant triomphant. Il tient le roi à sa discrétion. Il se défie de l’Assemblée. Il lui avait demandé la déchéance, il n’a obtenu que la suspension, sous prétexte, disaient les Girondins, que la déchéance entraînerait, ipso facto, en vertu de la Constitution, l’établissement d’une régence. Mais les démocrates de la Commune nient la conséquence. Il leur faut la déchéance, sans régence, donc la République. Cette solution, qu’ils n’avaient pas préméditée, s’impose à eux. Ils la feront accepter des Girondins eux-mêmes dès le 4 septembre, puis du pays, moins de trois semaines plus tard, le 21 septembre. Solution logique, car la souveraineté du peuple, déjà inscrite dans la Constitution et dans les lois, hurlait d’être accouplée à une royauté héréditaire, comme l’avaient dit les Marseillais dans leurs pétitions. Mais la logique n’avait pas eu raison jusque-là du sentiment et de la routine. Depuis des