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LE DIX AOÛT

social fondé sur la propriété. Pour lui rendre son trône, ils n’exigèrent de lui qu’un nouveau serment de fidélité à la Constitution et ils tremblaient si fort de ne pas l’obtenir qu’ils s’efforcèrent de reviser celle-ci dans un sens monarchique. Louis XVI jura une fois de plus, dans l’intention bien arrêtée de continuer la lutte contre ses sujets révoltés. Il avait la conscience tranquille. Son confesseur lui avait assuré qu’un serment arraché sous la menace d’une abdication était sans valeur et qu’un roi n’avait de devoirs qu’envers Dieu de qui découlait par le sacre son pouvoir absolu.

Par un étrange aveuglement, le roi, dans sa pieuse simplicité, la reine, dans sa frivolité sceptique, s’imaginèrent qu’ils pourraient restaurer le passé dans son intégrité, en bravant à la fois toutes les variétés de royalistes et toutes les variétés de révolutionnaires, si bien qu’au moment suprême ils restèrent seuls avec leur droit divin, n’ayant personne sur qui ils pussent vraiment compter.

Ils se défiaient des princes, ils détestaient les émigrés. Ils leur reprochaient de compromettre leur sûreté personnelle par leurs menaces inconsidérées contre les Jacobins et leurs essais de soulèvements en province. Ils suppliaient les rois coalisés de ne pas prêter l’oreille à leurs conseils et de les reléguer à l’arrière de leurs armées. Louis XVI disait à Fersen, le 13 février 1792, qu’il avait été abandonné par tout le monde. L’émigration lui semblait une défection. Il n’ajoutait que peu de foi aux manifestes que les princes adressèrent aux monarques pour les appeler à sa défense et il avait bien raison. Les Coblenciens ne se bornaient pas à le chansonner cruellement, lui et la reine, à l’accuser d’être la cause, par sa