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L’INSURRECTION

grande majorité des sections. La plupart des victimes étaient des hommes du peuple, artisans ou ouvriers. Les bourgeois étaient restés chez eux. Si Camille Desmoulins était sorti avec un fusil, ce n’était pas pour s’en servir. Barbaroux a écrit tranquillement dans ses mémoires : « Des motifs de prudence me déterminèrent à ne pas me mettre à la tête des Marseillais. » Les mêmes motifs retinrent loin du combat ses deux compagnons Pierre Baille et Rebecqui. Ils demandèrent aux Marseillais de les tenir au courant par des ordonnances. La chair bourgeoise avait encore trop de prix, à cette époque, pour être transformée en chair à canon.

On ignore le chiffre exact des pertes subies par les défenseurs du château, car aucune enquête officielle ne fut prescrite pour l’établir. Mais on est peut-être au-dessous de la vérité en l’évaluant à 500 ou 600 tués et blessés. La proportion des morts fut beaucoup plus considérable que chez les assaillants.

Restait à tirer les conclusions politiques de l’événement. Aussi longtemps que le sort des armes avait paru indécis, l’Assemblée était restée dans l’expectative. Elle ne s’était pas prononcée sur l’arrestation de Mandat, sur la suspension de la Commune légale, sur l’usurpation des commissaires des sections. Quand elle apprit, par l’officier municipal Borie, que les portes des cours du château venaient de s’ouvrir aux manifestants, elle nomma, sur la proposition de Lamarque, de Lejosne et de Guadet, deux délégations pour se rendre, l’une dans les cours du château et l’autre à l’Hôtel de Ville. Les délégations venaient à peine de se mettre en marche qu’on entendit les premiers coups de feu. Le député de l’Aude Azéma faisait partie des délégués. « À peine arrivés à la porte