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LE DIX AOÛT

dance du couvent des Feuillants, puis dans l’église, pour les soustraire à la rage de la foule. Quant aux gentilshommes, la plupart parvinrent à s’enfuir par la galerie du Louvre jusqu’à un escalier dérobé qui les conduisit au quai. Beaucoup s’échappèrent sous des déguisements.

Les vainqueurs, rendus furieux par la « trahison », dont ils avaient été victimes au début de l’action, et par les lourdes pertes qu’ils avaient faites, ne voulaient accorder aucun quartier. Un détachement de Suisses, qui cherchait à se sauver par la rue de l’Échelle, fut massacré jusqu’au dernier. Au milieu des débris fumants de l’incendie, qu’il fut très malaisé d’éteindre, les insurgés occupèrent les appartements royaux, jetèrent les livres de Marie-Antoinette par les fenêtres, crevèrent les matelas et les édredons dont les plumes voltigèrent dans les cours, mais s’interdirent tout pillage. Quelques voleurs furent exécutés sommairement. L’or, les bijoux, l’argenterie, les objets précieux furent religieusement portés sur le bureau de l’Assemblée. Les femmes trouvées dans le château furent respectées.

L’affaire avait été chaude. Les Fédérés marseillais à eux seuls, avaient perdu 24 tués et 18 blessés, les Fédérés de 18 autres départements 39 tués ou blessés. Les pertes des sections parisiennes étaient de 285 tués ou blessés, dont 23 pour la seule section du Finistère (c’est-à-dire le faubourg Saint-Marceau) qui avait soutenu avec les Marseillais l’assaut des Suisses. La section des Quinze-Vingts, la section de Santerre, qui avait joué le rôle dirigeant dans la préparation de l’insurrection, venait aussi au premier rang pour le chiffre de ses pertes : 51 tués ou blessés. 42 sections sur 48 figurent sur la funèbre liste. Le 10 août fut bien l’œuvre de la