Page:Albert Mathiez - Le dix août - Hachette 1934.pdf/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’INSURRECTION

de la cour de Marsan. Fournier l’Américain s’est vanté d’avoir fait mettre le feu dans les baraquements des Suisses pour les épouvanter et les forcer à quitter les cours. « Nous manquions de papier, dit-il, pour allumer le feu en divers endroits. Des assignats en tinrent lieu. Rien ne coûte quand il s’agit de remplir un grand but. »

Mitraillés, enfumés, débordés par le nombre toujours renouvelé des assaillants, les Suisses avaient peine à se maintenir dans les cours. Vers 11 heures, le maréchal de camp d’Hervilly, sans arme et sans chapeau, accourut à travers les coups de fusil en leur criant de cesser le feu de la part du roi et de se retirer dans l’Assemblée nationale. La lutte continua quelque temps encore. Von Luze, Salis, Reding, Pfyfer, Durler rallièrent peu à peu leurs hommes pour la retraite. Von Luze a reconnu qu’au moment où d’Hervilly leur ordonna de cesser le feu, leurs soldats manquaient de cartouches. Durler a dit de même : « Nous n’avions plus de munitions. » Il y avait près de deux heures qu’on se battait !

La retraite à travers le jardin des Tuileries, sous une grêle de balles parties de tous les côtés, fut meurtrière. Les Suisses se débandèrent. Un peloton essaya de gagner le Pont tournant. Il fut fait prisonnier par les gendarmes de piquet sur la place Louis-XV, conduit à l’Hôtel de Ville et massacré dans une cour. Le gros se réfugia dans l’assemblée. Durler, qui le commandait, ne voulut pas que ses soldats rendissent leurs armes avant d’avoir pris les ordres du roi. Il monta dans la loge du Logotachygraphe. Le roi lui dit : « Posez vos armes, je ne veux pas que des braves gens comme vous périssent tous. » Il lui remit ensuite un mot d’écrit. Les Suisses désarmés au nombre de 100 à 200 furent conduits dans une dépen-