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L’INSURRECTION


rangés sur le grand escalier. Westermann, qui était Alsacien, s’adressa aux Suisses dans leur langue. En vain, les officiers Suisses, notamment le capitaine Durler, firent poser une barrière de bois en travers de l’escalier. La fraternisation continuait. Déjà plusieurs Suisses répondaient aux avances des Parisiens et se laissaient entraîner bras dessus, bras dessous. Du premier étage les Suisses jetaient, en guise d’amitié, des cartouches aux occupants de la cour royale. Les officiers craignirent que la fraternisation ne leur enlevât leurs hommes. Un coup de feu, probablement tiré par un de ces aristocrates qui étaient venus renforcer la garde du château, partit du haut de l’escalier contre les Marseillais. Ce fut le signal d’une mêlée générale. Au commandement des officiers, les Suisses et les grenadiers firent feu à leur tour du premier étage dans la cour, du haut de l’escalier dans le vestibule. Les gentilshommes rangés dans la galerie du Louvre prirent part à la fusillade. Morts et blessés jonchèrent le sol. Parmi ceux-ci le commandant des Marseillais Moisson fut atteint un des premiers. Surpris, trahis, les fraterniseurs, un moment atterrés, ripostèrent. Profitant de leur trouble, le capitaine Durler rassembla 200 Suisses pour une sortie. À leur tête, il balaya la cour royale et s’empara, dans sa charge, de 4 canons qui ne lui servirent de rien, parce qu’ils étaient sans munitions. Les grenadiers des Filles-Saint-Thomas et des Petits-Pères s’empressèrent de les enclouer avec les baguettes de leurs fusils. Emporté par son élan, Durler pénétra au Carrousel sur les talons des fuyards. Humain autant que brave, il commanda à ses hommes d’épargner un poste de 15 à 20 Marseillais qu’il trouva cachés derrière une guérite. Il les fit prisonniers et leur indiqua les moyens de s’évader. Il