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LE DIX AOÛT

de camp de Boissieu. La garde nationale, qui avait déjà commencé à faire défection depuis la revue, considéra que son rôle était terminé et se retira presque tout entière, à l’exception peut-être d’une centaine de grenadiers. Déjà affaiblie par l’escorte qui avait accompagné le roi (une centaine de Suisses avec leur état-major et 200 gardes nationaux), la garnison du château ne comprenait plus guère que 700 à 800 Suisses, 200 gentilshommes, 100 grenadiers. Quant au millier de gendarmes, dispersés la plupart dans des postes extérieurs, leurs dispositions étaient telles qu’il paraissait déjà impossible de compter sur eux. Les Suisses étaient abondamment approvisionnés de cartouches, 60 dans leur giberne, plus un paquet de 15 dans leur poche, dira le jugement contre Bachmann, leur major. Le départ du roi avait créé un certain flottement dans les rangs qui se mêlèrent. À 9 heures, M. de Boissieu donna l’ordre d’abandonner les postes dans les cours et de se retirer dans le château, sans doute afin de rompre toute tentative de fraternisation avec les insurgés. Presque aussitôt, le maréchal de Mailly fit passer la consigne de ne pas se laisser forcer.

Les insurgés du Carrousel essayaient d’enfoncer les portes des cours en les frappant à coups redoublés. Le portier de la cour royale, voyant celle-ci évacuée par les défenseurs du château, leva la poutre qui fermait la grande porte. Les Marseillais et les faubouriens entrèrent, se glissant le long des murs. Ils firent bientôt signe aux Suisses avec leurs chapeaux et leur promirent de les bien traiter, s’ils passaient du côté de la Nation. Les plus hardis pénétrèrent dans le vestibule, dont on ne s’explique pas que la porte ait été laissée ouverte. Ils essayèrent de fraterniser avec les Suisses et les grenadiers