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L’INSURRECTION

fermait pour diminuer la chaleur étouffante. Il était environ huit heures trois quarts.

Quelques instants avant l’arrivée du roi, on avait averti l’Assemblée qu’une fausse patrouille d’une vingtaine d’aristocrates, qui avaient été arrêtés dans la nuit et enfermés dans un corps de garde du bâtiment des Feuillants, était en danger. Une dizaine étaient parvenus à s’échapper par une fenêtre, mais les autres étaient soumis à l’interrogatoire de la section des Tuileries. Sept d’entre eux furent massacrés et parmi eux le journaliste royaliste Suleau, contre lequel s’était acharné Théroigne de Méricourt, une des victimes de sa verve cruelle, l’abbé Bouyon et le beau Vigier, ancien garde du corps. Leurs corps furent mutilés et leurs têtes portées au bout des piques.

En conduisant le roi à l’Assemblée, Rœderer, Dejoly et les Girondins pensaient avoir fait un coup de maître. L’insurrection n’avait plus d’objet. Le peuple s’adresserait maintenant à l’Assemblée nationale, et sous sa pression celle-ci obtiendrait du roi ce qu’il n’avait pas voulu accorder jusqu’alors : le rappel des ministres girondins. Moyennant quoi, il retournerait dans son palais, roi nominal un peu plus avili, un peu plus impuissant. Au pis aller, si l’émeute l’exigeait, on suspendrait son veto pendant la guerre, on le forcerait à abdiquer en faveur de son fils. Mais, de toute façon, les Girondins reprendraient le pouvoir. Pour qu’ils puissent régner on conserverait la royauté.

Rœderer n’avait pas prévu, et ses inspirateurs non plus, qu’un combat s’engagerait entre les insurgés et les derniers défenseurs du château. En partant, le roi avait confié le commandement de la garnison au vieux maréchal de Mailly, qui avait sous ses ordres le maréchal