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LE DIX AOÛT

national auquel il remit en échange son beau chapeau à plumes que le garde national mit sous son bras à côté de son fusil, n’osant le placer sur sa tête. Un juge de paix, qui précédait le cortège, avertit l’Assemblée de son approche. L’Assemblée envoya une délégation à sa rencontre. La terrasse des Feuillants était pleine de monde. Des cris menaçants s’élevaient : À bas le veto ! Point de femmes ! Nous ne voulons que le roi, le roi seul ! Pour dégager le passage de l’escalier, on dut faire monter sur la terrasse une partie de la garde du roi. Rœderer harangua la foule. Les députés de la délégation s’interposèrent. On entra enfin. La reine et la famille prirent place sur les sièges des ministres, le roi à côté du président. « Messieurs, dit-il, je viens ici pour éviter un grand crime. Je me croirai toujours en sûreté avec ma famille au milieu des représentants de la Nation. » Vergniaud, qui présidait, lui répondit : « L’Assemblée nationale connait tous ses devoirs, elle regarde comme un des plus chers le maintien de toutes les autorités constituées. » Cette réponse contenait l’engagement de maintenir le roi et la royauté.

La Constitution défendait de délibérer en présence du roi. Certains proposèrent, pour résoudre la difficulté, de placer le roi à la barre réservée aux pétitionnaires. D’autres et surtout Cambon proposèrent de le mettre dans la loge du Logotachygraphe, une loge vide qui était à droite et un peu derrière le Président, « une loge où il ne sera pas présent, dit Cambon, puisqu’il y a des rideaux », « une loge qui est en dehors de la salle », ajouta Duhem. Cette solution prévalut. La famille royale entra donc dans l’étroit réduit des sténographes, dont le roi, aidé des ministres, fit sauter la grille qui le