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L’INSURRECTION

du roi qu’elle approcha de ses yeux et qu’elle mouilla de larmes auxquelles le roi répondit. Le prince royal, Madame et sa sœur pleurèrent, et je crois qu’il n’y eut pas un seul des spectateurs qui ne fût obligé de s’essuyer les yeux. » Rœderer entra à son tour et, pour la troisième fois, depuis le départ de Mandat, supplia le roi de se rendre à l’Assemblée : « Votre Majesté n’a pas une minute à perdre, il n’y a de sûreté pour elle que dans l’Assemblée nationale… Vous n’avez pas dans les cours un nombre d’hommes suffisant pour la défense du château, leur volonté n’est pas non plus bien disposée. Les canonniers, à la seule recommandation de la défensive, ont déchargé leurs canons. — Mais, dit le roi, je n’ai pas vu beaucoup de monde au Carrousel. — Sire, il y a 12 pièces de canon et il arrive un monde immense des faubourgs. » Un marchand de dentelles du nom de Gerdret, administrateur du Département et fournisseur de la reine, voulut appuyer l’avis de Rœderer : « Taisez- vous, monsieur Gerdret, dit la reine, il ne vous appartient pas d’élever ici la voix. Quand on a fait le mal, on ne doit pas avoir l’air de vouloir le réparer. Taisez-vous, monsieur, laissez parler Monsieur le procureur général syndic. » — « Mais, Monsieur, dit-elle en m’adressant la parole, nous avons des forces ! — Madame, tout Paris marche », répondit Rœderer. Le ministre Dejoly ajouta : « Marchons et ne délibérons pas. » Le roi regarda la reine, se leva et dit : « Marchons. »

Entre deux haies de Suisses et de gardes nationaux, la famille royale, entourée des ministres, qui donnaient le bras aux dames, et des membres du Département, s’avança donc vers l’Assemblée à travers le jardin des Tuileries. Le roi s’était emparé du chapeau d’un garde