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LE DIX AOÛT

Pendant leur absence, les Marseillais et le faubourg Saint-Marceau avaient occupé en bon ordre la place du Carrousel. Plusieurs à califourchon sur les murs essayaient de fraterniser avec les gardes nationaux, et surtout avec les canonniers, qui occupaient les cours. Les officiers municipaux Borie et J.-J. Leroux, aidés par Rœderer et par les membres du Département, s’approchèrent des portes pour parlementer avec les insurgés du Carrousel. Mais ceux-ci ne voulurent rien entendre avant d’avoir obtenu la déchéance. Alors, Rœderer et les municipaux, rentrés dans les cours, donnèrent lecture aux gardes nationaux et aux Suisses de la loi sur les attroupements et leur ordonnèrent de repousser la force par la force, mais seulement s’ils étaient attaqués. La lecture finie, les canonniers, qui s’étaient déjà querellés à plusieurs reprises avec les grenadiers, retirèrent ostensiblement la charge de leurs canons. Il y avait au début 8 pièces dans la cour royale. Quatre d’entre elles avaient déjà été conduites au Carrousel par leurs canonniers, après la revue passée par le roi, et tournées aussitôt contre le château. Les insurgés en avaient maintenant 12 à leur service. Les 4 qui restaient dans la cour royale n’allaient pas tarder à faire défection à leur tour. Les défenseurs du château n’avaient plus de canons que sur la façade du jardin.

Rœderer et les municipaux furent plus convaincus que jamais que la résistance était impossible. J.-J. Leroux avertit les gens du Carrousel qu’il espérait déterminer le roi à se retirer à l’Assemblée nationale. Il se rendit en effet dans la chambre du roi et essaya de le convaincre. À en croire son récit, Louis XVI semblait acquiescer. Mais la reine fit des objections : « Elle saisit la main