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L’INSURRECTION

qu’il se rapprochait du Pont tournant. Des détachements armés, non requis par Mandat, s’étaient introduits dans le jardin par la porte de l’Orangerie restée ouverte. Du côté du bord de l’eau, il y avait de nombreux Sans-Culottes armés de piques. Ils criaient : À bas le veto ! et aussi : À bas le gros cochon ! La reine, qui du château entendait ces cris, essuyait ses yeux rougis. Après le retour du roi, Dupont de Nemours fit signer aux gardes nationaux une courte pétition à l’Assemblée pour l’inviter à éloigner de Paris les Fédérés.

On venait d’apprendre les événements de l’Hôtel de Ville, la dispersion de la Commune légale, l’arrestation de Mandat par la Commune révolutionnaire, l’approche d’Alexandre et des Marseillais. Rœderer saisit l’occasion pour presser de nouveau les ministres de conduire le roi et sa famille à l’Assemblée nationale. En dépit de la résistance de Dubouchage, Dejoly et Champion reçurent permission de retourner au Manège et, cette fois, ils parlèrent plus clairement. Champion demanda à l’Assemblée d’envoyer une députation au roi comme au 20 juin. Ce serait le moyen, disait-il, d’assurer la tranquillité non seulement au château mais dans la ville. Déjà Bigot de Préameneu convertissait en motion la demande du ministre quand le Montagnard Taillefer marqua son opposition : « J’étais de la députation du 20 juin, je sais les désagréments qu’éprouvèrent vos commissaires. Ils furent insultés et calomniés. Je demande la question préalable. » Boisrot de Lacour, qui demande qu’on invite le roi à se rendre dans le sein du corps législatif, est accueilli par des murmures. Les deux ministres reviennent au château bredouilles.