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LE DIX AOÛT

une rare ténacité. Îl n’aurait pas réussi s’il n’avait èté aidé par tout l’entourage constitutionnel du roi qui pensait confusément comme lui et pour les mêmes raisons.

Il commença par conseiller au roi d’envoyer deux ministres auprès de l’Assemblée pour lui demander asile et protection. Les deux ministres choisis pour cette mission furent le ministre de la Justice Dejoly et le ministre de l’Intérieur Champion, personnages agréables aux Girondins, le premier surtout qui avait été l’intermédiaire entre Vergniaud et le roi. Au reste, Dejoly pensait, comme Rœderer, que tout projet de résistance était « criminel et extravagant ». Il se présenta devant l’Assemblée, alors peu nombreuse, mais n’osa pas articuler nettement sa demande. Il annonça seulement que le roi était « fort agité » par l’annonce du rassemblement et il pria l’Assemblée « de prévenir les désordres qui pourraient suivre ». Peut-être espérait-il que les Girondins compléteraient sa pensée. Mais les Girondins ne se souciaient pas, par une démarche publique, d’avoir l’air de se solidariser avec la Cour. Vergniaud lui-même demanda qu’on attendit le compte à rendre par la municipalité avant de proposer « des mesures ultérieures ».

Pendant que Dejoly et Champion faisaient auprès de l’Assemblée cette démarche inutile, le roi passait la revue des troupes rassemblées pour la défense du château. Dans les cours de la façade du Carrousel, il fut accueilli par de nombreux cris de : Vive le Roi ! mais les canonniers de la cour royale restèrent silencieux ou crièrent : Vive la Nation ! Quand il passa dans le jardin des Tuileries, les cris de : Vive la Nation ! se firent de plus en plus fréquents à mesure