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L’INSURRECTION

reine fait aussitôt l’éloge avec vivacité : « Je vous réponds de tous les hommes qui sont ici. Ils marcheront devant, derrière, dans les rangs, comme vous voudrez. Ils sont prêts à tout ce qui pourra être nécessaire. Ce sont des hommes sûrs. » Ce langage décidé fit craindre à Rœderer que la reine, poussée par les aristocrates, souhaitât la bataille. Il entrevit l’insurrection vaincue et, même, la dissolution de l’Assemblée par ordre du roi. Or, Rœderer, lié avec les Girondins, mêlé personnellement à leurs négociations pour la reconstitution du ministère, tenait essentiellement à garder le roi et la Cour sous la dépendance de l’Assemblée. Il ne souhaitait pas, certes, le succès de l’insurrection, mais il ne souhaitait pas davantage le succès des aristocrates. Il a écrit dans un opuscule intitulé L’Esprit de la Révolution de 1789 : « Si le 10 août n’avait pas fait cesser le pouvoir royal, l’étranger n’aurait-il pas eu la facilité de venir à Paris, de s’ingérer dans la Constitution, de faire la loi au corps législatif, ou d’établir un régime équivalent ou pire ? » Il sentait nettement que la cause du roi était celle de l’ennemi, La solution mitoyenne qu’il avait imaginée, d’accord sans doute avec les Girondins, avait l’avantage de ne rien compromettre. Une fois le roi et sa famille réfugiés dans l’Assemblée, l’insurrection perdait tout motif d’attaque, la garde du château tout motif de défense. Pas de bataille, pas de victoire. L’Assemblée restait l’arbitre de la situation et c’était pour lui l’essentiel. « J’espérais, ajoute-t-il, que la terreur jetterait la Cour dans leurs bras (des Girondins) et lui ferait chercher son asile dans leurs talents et leur popularité. » Pour faire adopter sa solution par la famille royale, Rœderer déploya, deux heures durant