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LE DIX AOÛT

à cheval, qui occupait la place, se replia sans résistance sur le Petit Carrousel. Le commandant des Marseillais, Moisson, déclarera « qu’ils éprouvèrent une sorte d’indisposition » quand ils virent les canonniers en position dans les cours du château. Îls crurent que les canonniers les avaient trahis. Pendant deux bonnes heures ils attendirent, l’arme au pied, l’amivée de Santerre avec le faubourg Antoine et la rive droite.

Santerre avait sous la main son bataillon tout prêt à partir dès 5 heures du matin, mais il attendit les autres bataillons qu’on lui avait promis. Le bataillon des Minimes arriva le premier, mais son commandant, Le Laboureur, ancien commandant du guet, refusait de marcher. Santerre harangua ses hommes et les entraîna. Le commandant du bataillon de Sainte-Marguerite (section de Montreuil), Bonnaud, avait pris la précaution, la veille, d’écrire au maire pour se couvrir. Il lui avait fait cette admirable déclaration qu’aurait enviée Joseph Prudhomme : « Je ne puis éviter de marcher à leur tête sous aucun prétexte ni par aucun ordre, pas même l’éloignement qui exposerait ma famille et mes possessions. En conséquence, je vous prie de me donner acte de ma déclaration, afin que tout ce qui pourrait arriver d’illégal dans cette démarche ne me soit pas imputé, attendu que je proteste et jure derechef que je ne violerai jamais la Constitution à moins que je n’y sois forcé ! » Quand Santerre apprit que le bataillon du faubourg Montmartre était en marche vers la Bastille, il s’ébranla pour aller le rejoindre et s’empara en passant du magasin à poudre de l’Arsenal. Il avait réparti ses forces, auxquelles s’étaient joints les Fédérés de la rive droite, en trois colonnes : à sa gauche, un bataillon avec deux canons qui s’avancerait le long du