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LE DIX AOÛT

quand ils se jugèrent en nombre suffisant (la feuille de présence est signée des représentants de 28 sections), ils commencèrent, toujours pratiques, par s’environner d’une force armée fournie par leurs sections respectives. Mauconseil, par exemple, fut requise d’envoyer 25 hommes bien armés.

Au son du tocsin qui sonnait dans la nuit claire dans les clochers de la section du Théâtre-Français d’abord, puis progressivement dans le centre et l’est de la ville, les gardes nationaux s’armèrent sans hâte et se rendirent ensuite au lieu de rassemblement. Dans le faubourg Antoine les rues étaient illuminées. On battait la générale, Les sections de la rive gauche s’étaient entendues pour concentrer leurs forces à la caserne des Marseillais. Les sections de la rive droite se groupèrent autour du bataillon des Enfants-Trouvés, dans la section de Santerre. Des rassemblements se formèrent en outre à l’Hôtel de Ville et sur la place de la Bastille.

Le château, informé par ses mouchards, dont certains espionnaient dans le local même de la section du Théâtre-Français, s’était mis lui aussi « en permanence ». Personne ne se coucha. À la fin de la nuit, le roi s’étendit seulement sur un fauteuil, dont le contact dérangea sa perruque. Pour une fois on oublia l’étiquette. Bien qu’il fût interdit de s’asseoir dans les appartements, les assistants, recrus de fatigue, imitèrent le roi. Les familiers de la Cour, 200 gentilshommes environ, parmi lesquels le père de Lamartine, habillés les uns en habits bleus de gardes nationaux, ou en habits rouges de gardes suisses, ou simplement en habits de couleur, ceux-ci armés sommairement de sabres et de pistolets, pénétrèrent dans le château après minuit, en présentant des cartes bleues qui