Page:Albert Mathiez - Le dix août - Hachette 1934.pdf/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’INSURRECTION

veille au soir, la section des Quinze-Vingts avait renouvelé son arrêté comminatoire. Le Département avait pris aussitôt un arrêté pour interdire la sonnerie du tocsin. Petion, mandé à la barre, attribua l’agitation à la crainte de l’enlèvement du roi. Il ne pouvait employer que des moyens de persuasion, car la force publique était divisée. Il avait envoyé aux sections un appel au calme où il leur disait qu’il était intolérable de fixer à l’Assemblée le jour et l’instant de sa décision et qu’il fallait prendre garde qu’on ne puisse pas dire que cette décision n’avait pas été libre. On attendait avec impatience le rapport que Condorcet devait faire sur la déchéance. Il se borna à faire lire par Isnard un long, subtil et filandreux projet d’adresse aux Français où il dogmatisait sur les conditions légales de l’exercice de la souveraineté du peuple. L’Assemblée n’en commença même pas la discussion. Elle leva la séance à six heures du soir, plus tôt que d’habitude.

Les sections parisiennes réunies en permanence eurent le sentiment que l’Assemblée se moquait de leurs vœux et de leurs arrêtés. « L’Assemblée est corrompue ! » s’écrie un citoyen des Gobelins en apprenant que l’Assemblée venait de se séparer. De grands applaudissements saluèrent sa réflexion.

Aussitôt, avec un ensemble impressionnant, qui révèle un concert préalable, les sections passèrent à l’action. Elles révoquent les états-majors de leurs bataillons et les remplacent, décident que les nouveaux commandants ne pourront obéir qu’aux ordres qu’elles leur donneront elles-mêmes et par conséquent ne connaîtront plus Mandat. Quelques-unes révoquent aussi et mettent en arrestation les juges de paix, directeurs de