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LE DIX AOÛT

Danton. Ils ne le nomment même pas. Aucun journal non plus ne cite son nom, ni avant, ni après l’émeute. Mais la légende a été créée par Danton lui-même qui s’attribuera, au tribunal révolutionnaire, pour sauver sa tête, un rôle qu’il n’a pas joué. Il prétendra qu’il ne s’était pas couché dans la nuit du 9 au 10, qu’il régla tous les préparatifs de l’insurrection et jusqu’au moment de l’attaque, qu’il fit l’arrêt de mort de Mandat ! Il n’a pas dit, bien entendu, qu’il était allé passer à Arcis-sur-Aube les jours critiques qui précédèrent la prise d’armes. « Les patriotes n’espéraient plus te revoir, lui jettera Saint-Just dans son rapport d’accusation. Cependant, pressé par la honte, par les reproches, et, quand tu sus que la chute de la tyrannie était bien préparée et inévitable, tu revins à Paris, le 9 août, tu voulus te coucher dans cette nuit sinistre, tu fus traîné par quelques amis ardents de la liberté dans la section où les Marseillais étaient assemblés, tu y parlas, mais tout était fait, l’insurrection était déjà en mouvement ! » Le rapport de Saint-Just a reçu de la publication du journal de Lucile Desmoulins une confirmation inattendue. Le 9 août, at-elle écrit, elle avait eu des Marseillais à diner. « Après le diner, nous fûmes tous chez M. Danton… Danton vint se coucher, il n’avait pas l’air fort empressé, il ne dormit presque point. Minuit approchait. On vint le chercher plusieurs fois. Enfin il partit pour la Commune. Le tocsin des Cordeliers sonna… » M. Aulard, pour élargir le rôle de son héros, a voulu qu’il se fût rendu au club des Cordeliers pendant la nuit fameuse. Or, Buchez et Roux ont publié le procès-verbal de la séance du club. Il n’y est question ni de Danton, ni de Camille Desmoulins. Le club était présidé par M. Leroy père. Ce n’est