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L’INSURRECTION

ont tenu dans la légende romantique, dévotement recueillie et exaltée par M. Aulard, une telle place que la supposition a été faite bien des fois. Elle n’en est pas plus vraie. S’il y avait un homme bien placé pour connaître les faits et gestes de sa section, c’était Chaumette, qui passa, nous dit-il, cinq nuits au bureau sans fermer l’œil. Pas plus dans ses mémoires que dans son autobiographie, Chaumette n’attribue à sa section un rôle de direction. Fournier, l’Américain, qui appartenait, comme Chaumette, au Théâtre-Français et qui assista à l’assemblée générale de sa section dans la soirée du 9 août, nous dit même que, malgré l’arrêté pris par la section, les gardes nationaux du Théâtre-Français « refusèrent absolument de marcher » contre le château, quand l’ordre leur en fut donné le 10 au matin. Le commandant du bataillon marseillais, Moisson, qui a dicté, le 22 août, une relation des événements, nous apprend qu’il mit son bataillon sous les armes au moment du tocsin, mais qu’il ne jugea pas à propos de sortir de la caserne, « sans avoir avec lui quelque portion de la garde nationale parisienne ». Si le bataillon du Théâtre-Français s’était rassemblé, il l’aurait dit. Or, il ajoute qu’il fit avertir le bataillon du faubourg Saint-Marceau (le bataillon d’Alexandre), et c’est avec ces faubouriens qu’il marcha le 10 au château à la pointe du jour. Chaumette avoue dans ses mémoires que la section du Théâtre-Français « ne contenait plus qu’un faible reste du fameux district des Cordeliers et que la délibération du 30 juillet sur les citoyens passifs avait été « arrachée à force ouverte », à vrai dire par des voies de fait.

Aucun des témoins contemporains, ni Chaumette, ni Fournier, ni Moisson, ni Barbaroux, ne dit un mot de