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La France et Rome de 1709 à 1715

d’évêques éclairés et bien intentionnés pour conserver la saine doctrine, qui sont les juges légitimes de cette affaire. »

Cette requête, si fortement motivée, eut-elle quelque influence sur l’esprit du Dauphin ? On ne sait ; car il mourut le 18 février 1712, sans avoir pu terminer l'instruction du différend ni présenter au roi des propositions fermes. Les contemporains nous ont laissé de touchants détails sur cette mort qui, venant après tant d’autres dans la famille royale décimée, et moins de huit jours après celle de la Dauphine[1], portait à Louis XIV le coup le plus cruel. Il ne restait autour du trône qu’un enfant de deux ans et des bâtards scandaleusement légitimés. On pleura le duc de Bourgogne, non de ces larmes feintes que l’étiquette exige et qui avaient coulé avec tant de peine, lors de l'agonie de son père, le grand Dauphin. Sur la tête de ce jeune prince, ce n’était pas seulement le parti des ducs, — Chevreuse et Beauvilliers, — mais bien la France entière, fatiguée de la guerre, avide de repos et de liberté, qui avait fondé ses espérances. La Palatine, communément insensible aux misères de la cour est saisie de compassion à ce spectacle[2]. Et Saint-Simon, frappé dans ses affections les plus chères et ses calculs les plus secrets, cède à l’émotion qui le presse. Il s’épanche, vingt lignes durant, en exclamations désolées et, par un phénomène unique peut-être sous

  1. La Dauphine, à son lit de mort, avait refusé l'assistance du P. de la Rue, jésuite, son confesseur ordinaire. Elle réclama un autre prêtre. Ce fut un affront éclatant pour la compagnie de Jésus, un avertissement pour le roi et une solennelle protestation contre la tyrannie du P. Tellier. Au reste, cette mésaventure n’empêcha pas le P. de la Rue de prononcer à la Sainte Chapelle, le 24 mai 1715, l'oraison funèbre d’une pénitente aussi insoumise. La Société pliait l'échine. — Voyez le Journal de Dangeau, XIV, 83.
  2. Correspondance de Madame, duchesse d’Orléans, éd. Jaeglé, 1880 t. 1, p. 102.