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Genèse de la constitution

la grâce, MM, de Laon et de Langres[1], voulurent s’interposer en faveur du cardinal. Ils remirent au Dauphin, le 3 février 1712, un Mémoire sur les affaires présentes où ils déclaraient avec une rare énergie : « M, le cardinal de Noailles n’a pas porté sa faux dans une moisson étrangère. Et nous sommes contraints de dire que MM. les évêques de Luçon, de la Rochelle et de Gap ont agi contre tous les saints canons ; c’est le scandale de l’église de France, » Au regard de la politique ecclésiastique et des prérogatives essentielles de l’épiscopat, le Mémoire répudie hautement la procédure suivie dès le début de cette affaire. MM, de Laon et de Langres revendiquent les justes droits des évêques sur la condamnation des livres et des auteurs suspects ; ils se récrient contre l’évocation directe à Rome de litiges qui appartiennent à l’ordinaire et qui ne méritent point de susciter des constitutions pontificales : « Nous reconnaissons, écrivent-ils, la prééminence du pape, en disant qu’il a l’appel des jugements des évêques ; mais nous assurons, avec tout le respect qui est du à sa dignité, qu’il ne peut jamais prétendre d’être juge en premier ressort. Et comme la contestation présente regarde le livre des Réflexions morales sur le Nouveau Testament approuvé par M, le cardinal de Noailles et condamné par MM. les évêques de Luçon, de la Rochelle et de Cap, et le mandement des mêmes évêques condamné par M. le cardinal de Noailles, votre justice et votre piété éclairée, Monseigneur, vous feront obtenir de Sa Majesté de ne pas chercher des juges hors de son royaume, dans le temps qu’il y a en France tant

  1. Clermont de Chaste, évêque de Laons (1695-1721), et Clermont-Tonnerre, évêque de Langres (1695-1724).