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LOUIS XIV DEMANDE UNE BULLE 391

autour de la bulle Unigenitus. Parlementaires, philosophes, encyclopédistes se mêleront à la lutte. Il en sortira le bannissement de l’ordre des jésuites et la lente agonie du jansénisme qui meurt de sa victoire même ; l’amoindrissement général de la vie chrétienne et le triomphe, définitif en apparence, du voltairianisme ; le dégoût des religions, et pourtant l’opiniâtre besoin d’une religion épurée, nationale, qui sera l’église constitutionnelle. Tous ces courants opposés convergent à un seul terme et s’y absorbent : la Révolution française, sous son quadruple aspect, économique, intellectuel, humanitaire et religieux.

Sans doute, l’énormité du résultat contraste avec la médiocrité du point de départ et dépasse étrangement les calculs, les espérances même des premiers acteurs. Mais qui niera que de la majesté classique du règne de Louis XIV à l’activité bouillante et réformatrice de Jean-Jacques ou de Diderot, la transition soit impossible et surtout inexplicable, si l’on omet le problème à la fois théologique et social du réveil janséniste ? C’est entre Quesnel et les jésuites, entre le gallicanisme et la papauté, que la philosophie, semée par la Régence, apparaît à la lumière, comme une plante vivace qui brise en naissant le roc lézardé du christianisme. Pour saisir les détails et l’issue de cette mêlée, il faut en relever les origines et les causes. Combien alors on s’émerveille que la lutte ait pu être si longue et si incertaine entre la toute-puissance internationale de Rome et la vigueur purement locale du jansénisme ! La doctrine augustinienne de la grâce n’a vécu, n’a dompté momentanément l’orgueil humain, que par la sainteté de ceux qui en étaient les docteurs et les exemples. Port-Royal s’est imposé au monde par sa