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Duval bondit, embrasse d’un coup d’œil les amis de la Panthère des Batignolles, qui attendent qu’il commence son grand air, puis, de sa voix faubourienne et traînarde de gueulard de club :


— J’ai à vous dire que je ne suis pas un voleur, mais un rebelle. J’ai à vous dire pourquoi je suis anarchiste. Mon avocat m’a posé en accusé ; je me pose en accusateur. S’il vous faut une tête d’anarchiste, à voir ?, aise, prenez la mienne. Vous êtes la force. Mais j’ai le droit de me tourner vers la société bourgeoise et de lui demander des comptes. Le vol, de notre part, c’est une restitution ! En pillant, comme vous dites, l’hôtel de Mme  Madeleine Lemaire, j’ai fait acte d’anarchiste.

J’ai donné au peuple des leçons de propagande par le fait. (Avec un geste menaçant.) Vous me poursuivez à cause de mes opinions politiques. Je ne reconnais pas aux hommes le droit do me juger ; je ne reconnais pas votre loi. Je ne suis pas un accusé, je suis un justicier.

M.  le président. — Taisez-vous ! Je vous permets de vous expliquer sur les faits, mais non de faire une profession de foi politique. Asseyez-vous.


A ces mots, Duval s’écrie ironiquement :


Je vous remercie, monsieur le président, et puisque je ne puis en dire davantage : Vive l’anarchie ! vive, la révolution sociale ! Vous avez de la chance ! je vous ferai sauter, je n’ai volé l’argent que pour mieux vous faire sauter ! Vous tremblez sur vos tibias !


M.  l’avocat général Reynaud se lève et requiert l’application de la loi de 1835 qui autorise les Cours d’assises à expulser de l’audience les accusés qui « mettent entrave au libre exercice de la justice ».

La Cour, sur ces réquisitions, ordonne que, en raison de ses violences, de ses clameurs, des cris de : « Vive l’anarchie ! vive la révolution sociale ! je vous ferai sauter ! » Duval sera expulsé de l’audience, réin