Page:Albalat - Nella, 1877.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
NELLA.

« — Ô Nella ! c’est donc toi ! ces traits et ce visage,
Ô mon Dieu ! c’est donc elle ! Oui, je la reconnais.
J’ai fait, ivre d’amour, mon douloureux voyage,
Et je volais à Rome et vers toi je venais !
Sens-tu crier ton cœur et tressaillir ton âme ?
Ou n’ont-ils plus d’échos en entendant ma voix ?
Rien n’émeut aujourd’hui tes entrailles de femme,
Et tu n’as pas un mot lorsque je te revois ?
Oh ! c’est une douleur affreuse qui me ronge
De te voir devant moi, de songer que j’ai là
Devant mes yeux ouverts, ironie et mensonge !
Une prostituée, et que c’est ma Nella !… »
Et comme elle restait immobile et glacée,
Il cria : — « Sur ton front qui rit de la vertu
Ne surprendrai-je pas ta dernière pensée,
Et, dussions-nous mourir, dis-moi, répondras-tu ? »
— Eh bien ! Oui, je réponds, dit-elle, sans tristesse
Et sans plus s’émouvoir des cris de son amant,
Mieux que votre mépris votre douleur me blesse :
L’amour que vous pleurez n’a duré qu’un moment.
Aimez-vous que Nella vous parle avec franchise ?
Épargnons-nous tous deux des regrets superflus.
C’est votre désespoir qui me rend indécise ;
Depuis votre départ je ne vous aime plus.
J’avais cru vous aimer et j’ignorais encore
Même les mots d’amour que vous me répétiez ;