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L’Absence


Ô vous dont l’âme hésite à choisir une route,
Vous qui, d’un pas obscur, poursuivez le bonheur,
Qui, n’ayant pas connu les angoisses du doute,
Devinez moins encor les angoisses du cœur ;
S’il vous reste un parfum de vie et de jeunesse,
Si vous avez bercé de longs rêves d’amour,
S’ils ne sont pas flétris au vent de la tristesse
Et s’ils dorment en paix pour refleurir un jour ;
Vous qui vivez sans fiel, et passez sans vous plaindre,
Gardez votre âme pure et vierge de mépris :
Fuyez l’hydre puissant, jaloux de vous atteindre,
Et qui que vous soyez, n’allez pas à Paris.
Paris ! c’est la cité sublime et souveraine :
Tout ce qui pense et lutte habite dans son sein ;
Mais sur toute espérance un tel vent s’y déchaîne,
Que le cœur le plus fort n’y peut vivre un matin.
Fuyez son lâche appel et son charme funeste ;
Le rêve le plus pur s’y flétrit sans retour ;
Dans ce gouffre, où la honte efface tout le reste,
Les fronts sont sans pudeur, les âmes sans amour.