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Tandis que des clameurs s’élevaient sous la dune,
Tandis que mugissait la tempête importune,
Flottait devant ses yeux l’image de Nella :
Il la chassait en vain, elle était toujours là.
Les mots de cet adieu remplissaient sa mémoire.
Il revoyait encor le crucifix d’ivoire,
Les regards éperdus, les larmes, les baisers ;
Il entendait des cris encor mal apaisés.
Et, triste, il répétait : « Edmond, qu’il te souvienne
De venir prendre ici ta pauvre Italienne,
Car l’amour qui m’enivre est de ceux dont on meurt. »
Et, sous les cieux ardents à la sourde rumeur,
Il s’écriait : « Ô mer, qui déchaînes ta rage,
J’atteste ici les flots, ton ciel et ton orage :
Souviens-toi, dans un an, quand tu me reverras,
De conduire ma voile et d’épargner mes pas.
Cet amour que j’emporte en ma terre de France
Comme tes larges flots sait défier l’absence ! »
Et le ciel, d’un éclair vaguement ébloui,
Aux paroles d’Edmond semblait répondre : oui.
Parmi les bruits profonds qu’unissait la tempête,
Edmond en souriant retrouvait dans sa tête
De sombres airs de Faust, dont l’un lui revenait
Tel que Nella pensive autrefois le jouait,
Lorsque ses doigts fuyaient sur le clavier sonore,
Plus légers que l’oiseau qui vole vers l’aurore.