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188 LE TRAVAIL DU STYLE c’est souvent le travail môme qui, en le polissant, lui donne cette facilité tant vantée qui charme le lecteur. Il y a bien de la différence entre des vers faciles et des vers facilement faits. Les écrits de Virgile, quoique extraordinairement travaillés, sont bien plus naturels que ceux de Lucain, qui écrivait, dit-on, avec une rapidité prodigieuse. C’est ordi- rement la peine que s’est donnée un auteur à limer et à perfectionner ses écrits , qui fait que le lec- teur n'a point de peine en les lisant. Voiture, qui paraît aisé, travaillait extrêmement ses ouvrages. On ne voit que des gens qui font aisément dos choses médiocres ; mais des gens qui en fassent même difficilement de fort bonnes, on en trouve très peu ¹ . » Il n’y a rien à retranchera ces théories. Les excep- tions qui les contredisent ne sont qu’apparentes, et les plus féconds improvisateurs n’ébranleront pas l’autorité de cette parole. On peut, avec de la facilité, écrire des œuvres agréables ; mais c’est par le travail que les maîtres ont fait leurs chefs-d’œuvre. Ces déclarations revien- nent souvent sous la plume de Boileau : Un sot, en écrivant, fait tout avec plaisir : Il n’a point, en ses vers, l’embarras de choisir, Et, toujours amoureux de ce qu’il vient d’écrire, Ravi d’étonnement, en soi-même il s’admire. Mais un esprit sublime en vain veut s’élever A ce degré parfait qu’il tâche de trouver ; 1. préface pour l’édition de 1610.