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le discute, et le jour n’est pas loin où il aura reconquis la glorieuse place qu’il mérite d’avoir devant la postérité. Non seulement on commence à comprendre l’originalité et les conséquences de son œuvre, mais notre admiration accueille avec empressement toutes les révélations qu’on nous donne sur son entourage et sur sa façon de vivre. On nous a dit ses défaillances, son insupportable caractère, ses luttes politiques, son libéralisme rancunier. Après ses lettres inédites, voici qu’on annonce deux nouveaux volumes de correspondance. On a écrit des livres sur sa famille, des monographies sur ses sœurs. Enfin, les beaux ouvrages de M. Bardoux ont achevé de nous passionner pour les fautes du grand homme, si acrimonieusement signalées par Sainte-Beuve à l’indignation des cœurs délicats. Grâce à l’hostilité du célèbre lundiste, la réputation de Chateaubriand a été compromise avant même que sa vie fût bien connue. Aujourd’hui qu’elle est éclaircie, on est obligé de convenir que ses sentiments sont loin en effet d’être à la hauteur de ses livres. Les femmes surtout sont unanimes à condamner son égoïsme, la cruauté de ses abandons, son parfait mépris de l’amour derrière ses hommages de grand seigneur, la profondeur d’indifférence et les déceptions volages dont il s’est fait une si majestueuse attitude dans ses Mémoires. Nous en sommes restés sur ce point au jugement de Sainte-Beuve, tant les infidélités de Chateaubriand nous paraissent sans excuse.