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LE MAL D’ÉCRIRE

qui fut celui des Pères de l’Eglise et qu’on retrouve jusque dans la Bible. L’artiste incrédule arrive ainsi, par la seule connaissance du cœur humain, aux mêmes conclusions que le croyant le plus convaincu, avec cette différence que la foi illumine le pessimisme religieux, tandis que celui de l’artiste n’est qu’un désespoir déguisé.

Sa destinée errante, sa précoce expérience du néant des passions, la nécessité des ruptures, les mélancolies voyageuses, expliquent que l’auteur du Maroc n’ait pu vaincre le désolant scepticisme qu’il étale ironiquement dans les lettres d’Aziyadé. Immortalité de l’âme, vie iuture, notion de Dieu, espoirs d’infini, tout a-t-il donc sombré dans ces longs voyages en mer ? Le matérialisme a-t-il définitivement dépeuplé cette âme d’artiste toujours inapaisée et désirante, et faut-il accepter à la lettre l’incroyance ricaneuse d’Aziyadé ? « Avec toutes ces créatures humaines, écrit-il dans le Roman d’un enfant, que j’ai adorées de tout mon cœur, de toute mon âme, j’ai essayé ardemment d’imaginer un après quelconque, un lendemain quelque part ailleurs, je ne sais quoi d’immatériel ne devant pas finir ; mais non, rien, je n’ai pas pu, et toujours j’ai eu horriblement conscience du néant des néants, de la poussière des poussières. » L’auteur a beau dire, son âme est moins fermée qu’il ne croit aux aspirations immortelles qui sont le rêve des natures idéales. La pensée de sa mère suffit à faire tomber cette incrédulité, et, dans ce même Roman