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rales engendrées par notre état intellectuel et qu’il nous a révélé les conséquences profondes du dilettantisme et de la lecture. Parmi les maladies décadentes qui auraient pu tenter avec profit sa minutieuse analyse, il en est une qui étend tous les jours ses ravages et qui est entrain d’étouffer les intelligences et les cœurs. Je veux parler du mal d’écrire. Je crois qu’il y a sur ce sujet quelque chose à dire et quelque chose à faire. À aucune époque cette épidémie n’a si violemment éprouvé le public français. Exceptionnelle autrefois et seul apanage des gens d’esprit, même au dix-septième siècle où l’on a publié tant de Mémoires et où la pédanterie littéraire fut si à la mode, la manie d’écrire est devenue aujourd’hui universelle parce qu’elle est en quelque sorte le résultat de notre civilisation. Le dix-septième siècle a été le triomphe du goût et de l’autocratie royale ; le dix-huitième a été le siècle de l’émancipation politique et religieuse ; la démocratie et l’instruction à outrance caractériseront notre dix-neuvième siècle. On peut discuter si ce sera sa force ou sa faiblesse, mais je crois que c’est bien son originalité. La science s’est tellement élargie, les progrès matériels et les moyens de s’instruire ont si subitement activé la soif de connaître, que les esprits les plus ordinaires se sont trouvés capables sans trop d’efforts, non pas de bien savoir certaines choses, mais de savoir beaucoup trop de choses. Le mouvement démocratique