Maintenant elle cherche surtout des mutilés pour ses différents services et abandonne les dépendances du château à des colonies d’enfants pauvres.
Comme je l’en félicitai, elle me dit, un soir, à sa façon brusque et franche :
— Oui, j’ai changé ! Et savez-vous, si je m’examine à fond, ce qui a déterminé mon évolution ? Oh ! je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite ! mais cela bourdonnait sans cesse à ma mémoire ! Deux petites phrases d’Amiel — que vous avez citées dans certaine chronique : « La vie est courte et l’on n’a jamais trop de temps pour réjouir le cœur de ceux qui font avec nous la sombre traversée. Hâtons-nous d’être bons ! »
Ainsi, mon maître disait vrai : le verbe vit, le mot rayonne ! La parole influence parfois plus que le fait ! « La parole, dit encore Amiel, qui est à la fois ensemencement et révélation ».
Chaque jour m’en apporte le témoignage. Un mot qui tombe dans une âme, y éveille des échos imprévus, comme une pierre rebondissante qui peuple l’abîme de bruits et de résonances formidables.
