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revenir à Poitiers pour surveiller de près la succession de son aïeule.

— Paris ! répéta-t-elle rêveusement. Il n’y a que cela de vrai ! Comment s’accoutumer ailleurs quand on y a vécu !

— Oui ! murmura Adrien, en fourrageant sa courte barbe de ses doigts énervés. Je ne sais plus qui a dit : « Ailleurs, on végète ; là seulement on vit ! »

— C’est certain ! fit Renaud, pensif. Là seulement la vie donne tout ce qu’elle peut donner.

Estelle tressaillit comme à une piqûre profonde. Dans les yeux hypnotisés des deux jeunes hommes, elle surprenait soudain le mirage ardent de la ville souveraine.

Devant eux pourtant, s’étendait le frais vallon, cirque vert enserré par les collines onduleuses. Les saules et les peupliers frissonnaient de toutes leurs feuilles légères au-dessus de la Vonne, bordée de salicaires et d’iris. Le barrage babillard de la petite usine électrique luisait au soleil comme une coulée d’argent liquide. Un pinson, en haut du sureau, lançait sa ritournelle rieuse. Il avait néanmoins suffi d’un mot, remuant en eux des appétits d’orgueil, de luttes et d’honneurs, pour rendre ces deux âmes d’artistes indifférentes à la poésie vivante et vraie…