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Dès cet automne, la belle légende déroulera ses fastes en haut de l’esplanade !

Renaud, d’un air d’effroi, se pencha vers Estelle :

— Ne pensez-vous pas qu’il a le diable au corps ?

Mais Adrien retournait au piano. À ce degré d’exaltation mentale, la musique seule pouvait traduire ses sensations tumultueuses. De capricieuses réminiscences s’enchaînaient sous ses doigts, épandant la divine sérénité de Mozart, la langueur rêveuse de Chopin, la vivace allégresse de Bach ou la puissante pensée de Beethoven. Estelle, profondément remuée, laissa tomber son ouvrage. Renaud, de l’ombre où il s’était reculé, ne la quittait pas des yeux. Et sous l’enveloppement de ce regard, de ces sons émouvants, la jeune fille se sentait engourdir, dans une sorte d’anesthésie délicieuse et mortelle, comme si elle eût respiré un parfum trop fort. Il lui semblait que son âme se diluait, s’échappait de son être, attirée par une sollicitation mystérieuse.

Elle prit peur. Qu’était-ce donc que cette domination étrange qui, si vite, la maîtrisait ? Alors, Estelle se promit d’être vigilante et prudente. Le lendemain, elle voulut rester à l’écart, et laisser les collaborateurs conférer en tête-à-tête.

Mais Renaud protesta, dolent et indigné :

— Nous avons besoin de votre présence ! Nous